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A propos de Border

"L'œuvre « Border » de Flora Basthier, présentée en 2019, nous donne à voir un pneu dont le centre est rempli de briques.

C'est une œuvre d'art contemporain « résistante » à l'interprétation, qui interpelle parce qu'elle ne se livre pas facilement. Elle a été l'objet d'un débat en classe et les lectures sont multiples, faites des regards croisés d'adolescents qui s'interrogent à la fois sur le statut de cette œuvre mais aussi sur sa place dans des problématiques personnelles et aussi sociétales.

Ce qui a été tout de suite mis en évidence par les élèves, ce sont les contrastes, les oppositions que met en lumière cette œuvre : opposition du mouvement inspiré par la roue et l’immobilité des briques, opposition entre le monde urbain de la voiture, le monde de l'objet fabriqué, ode au pétrole-roi et le monde rural, représenté par la brique et son aspect naturel.
Cette œuvre serait celle qui réalise la synthèse des contraires, celle qui permet de faire exister ensemble les ambivalences et les oppositions,

aussi sûrement que l'artiste a réussi à faire entrer des briques carrées dans le rond du pneu. En réussissant à résoudre la quadrature du cercle, l’œuvre fait sens. Les élèves ont évoqué l'idée que cette œuvre exprime concrètement tout le travail de l'artiste contemporain : mettre en lumière et résoudre des conflits, des oppositions.

Certains élèves ont soulevé l'idée que cette œuvre « raconte une histoire » : l'artiste aurait- elle voulu raconter un accident de voiture, celui d'une famille représentée par « les briques de la maison », rougies par le sang ? L’hôpital serait évoqué par les murs blancs du musée où s'expose l’œuvre, la muséographie devenant partie prenante de l’œuvre elle-même.

Certains encore ont évoqué l'idée d'une dénonciation de la société de consommation : le pneu serait symbole du ravage écologique, d'une pollution qui détruirait « la maison » de l'humanité. Cette œuvre interrogerait-elle la transformation nécessaire d'un monde qui se meurt par l'idée du recyclage, recyclage de ce pneu devenu œuvre ?

Enfin, certains élèves ont vu dans cette œuvre une interrogation sur ce qui nous freine, sur ce qui nous arrête, sur ce qui fait « mur » dans notre vie. Ils ont interrogé la difficulté à être, à se mouvoir, à avancer, à être en mouvement comme pourrait tourner une roue dans ce monde qui leur oppose des murs. Cette œuvre pousserait le spectateur à s'interroger sur ce qui lui fait obstacle. Certains ont avancé l'idée que le pneu serait l'image d'une société qui « tourne » sans eux et qu'ils voudraient ou non arrêter. Il s'agirait alors d'interroger l'adolescence elle-même comme celle qui veut rouler mais que « la maison de briques » adulte empêche d'être libre...

Enfin, que dire du titre lui-même qui interroge la frontière ? La bordure, la lisière, celles des migrants ? Celles de l'adolescence ?

 

Article collectif des 3ème4 du collège Pierre Donzelot, Limoges, novembre 2019

A propos de empreintes de flaques

"Ces œuvres de l’artiste Flora Basthier nous offrent à voir des « empreintes de flaques ». Elles sont créées à partir de peinture en bombe que l’artiste projette dans des flaques d’eau sur lesquelles elle appose ensuite une feuille qu’elle laisse sécher. 

Ces œuvres sont d’abord fascinantes parce qu’elles ont l’apparence de la facilité mais dès que l’on s’interroge sur ce que l’artiste a voulu dire, elles se révèlent beaucoup plus complexes qu’on ne l’aurait cru à priori. En effet, ces empreintes, même si elles semblent toutes semblables et même si leur assemblage donne une impression de répétition, sont toutes uniques et parfaites « irreproductibles » !

Comme souvent chez Flora Basthier, il s’agit de représenter, de faire œuvre, de concrétiser des oppositions. La permanence de l’œuvre artistique et l’impermanence de l’objet support, la fluidité de l’eau, toujours fuyante et la trace laissée irrémédiablement sur le papier. Flora Basthier réussit l’exploit de figer l’éphémère, le transitoire. La flaque toujours mouvante a laissé une trace, son empreinte, au moment même où elle disparait, évaporée et à jamais perdue… La disparition elle-même devient œuvre et « perdure » au sens où sans l’évaporation de l’eau, l’empreinte n’existerait pas.

Le spectateur perçoit tout de suite la force et la puissance de l’œuvre : les couleurs sont vives, vivantes, elles attirent le regard parce qu’elles donnent une impression de vie. Que l’on y voit des traces de pieds, des soleils, des flammes, du sang, des corps, des objets projetés, éclatés en gouttes ou en rayons, on y lit des sentiments forts comme la joie, ou la colère…

Les flaques d’eau sont toujours des miroirs, le ciel s’y reflète… Ici ces empreintes de flaques sont comme des miroirs qui reflèteraient le spectateur en train de les observer. Elles sont le reflet de nos pensées. Comme des tâches de Rorschach, elles révèleraient notre intériorité, notre personnalité. Car elles sont elles-mêmes des identités individuelles, uniques et à jamais singulière, sans que leur re-production ne soit possible.

Leur agencement forme ici un dégradé, un camaïeu de couleurs qui évoque toute la tension entre ce qui dégrade, ce qui passe, ce qui s’efface et ce qui pourtant perdure… Cette œuvre entre donc en résonance avec le travail mené sur le passage du temps pendant le confinement, à la fois semblable répétition du même et changement de l’être dans le temps."

 

Article collectif des 3ème2 du collège Pierre Donzelot, Limoges, novembre 2020

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